mardi 7 juillet 2009

Tous les trains ne partent pas d'une gare

J’hésite à partir pour le prochain long week-end. Tandis que je change mes billets pour la troisième fois, la guichetière me demande si je désire prendre la carte « Grand voyageur ».
Je réfléchis.
Trente euros et des brouettes. Il faut voyager beaucoup pour que ça vaille le coup, me dis-je. Je fais un rapide calcul de mon budget voyage annuel, sors un carnet, un crayon, additionne, soustrait, m’embrouille et rature. Derrière moi, j’entends que ça piétine, soupire, trépigne.
Puisqu’il faut choisir, je range mon carnet et décide d’être une Grande voyageuse. L’idée me plait.
La guichetière sourit, appuie sur le bouton « enter » de son ordinateur :
— Trente euros et des brouettes s’il vous plait.
C’est pas rien quand même. Je réfléchis à nouveau.
Parce qu’être une Grande voyageuse est une chose, le rester en est une autre. N’osant pas ressortir mon carnet par égard pour la file d’attente qui toujours s’impatiente, je compte du bout de mes dix doigts les destinations à venir. J’en invente quelques unes, au passage, manque de mains, emprunte celle du voisin et opte définitivement pour l’option « Grand voyageur ».
La foule applaudit tandis que je remballe ma carte de crédit. L’ovation est sardonique, évidemment. Je quitte le hall, embarrassée. Faut pas croire, c’est pas facile tous les jours d’être une Grande voyageuse…
Un peu plus tard, devant la gare, je repense à cette phrase d’un ami : « Tous les trains ne partent pas d’une gare » et je me souviens lui avoir répondu :
« Le mien si, et il me ramène au point de départ. »
Nous ne nous sommes plus jamais revus. Sans doute parce que j’ai décliné l’invitation au voyage, je n’étais pas prête alors à prendre le train en marche, à monter dans une rame qui m’emmènerait ailleurs, un peu plus loin dans l’histoire, dans mon histoire.
Je réalise maintenant que tous les vrais départs, je les ai manqués, que je n’ai jamais autant pleuré que dans un TGV ; je repense aux trains de 16h42 à Liège, 15h50 à Montparnasse, 9h51 à Dax, 18H22 à Irun… Quelque soit le trajet, je reviens toujours au même point, et peut-être même en arrière.
Mes trains à moi partent toujours d’une gare et roulent à reculons.
Je vais rendre mes billets, j’ai plus envie d’être la Grande voyageuse que je n’ai jamais été.

4 commentaires:

  1. C'est une peu l'histoire de Grand Corps Malade, mais toutes les histoires de train finissent bien, en général !!
    Pour moi, c'est un peu pareil, j'ai toujours un wagon de retard ou j'ai pas choisi la bonne rame!
    Que faire ? Rester sur un quai à attendre?

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  2. Je t'invite en première classe;-)

    Haut les coeurs belle demoiselle, les voyages forment la jeunesse et l'été est si beau...bise

    http://www.lespetiteshistoiresdebetty.com/article-29157483.html

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  3. Ce texte est bien joli tout en étant empreint d'une élégante desespérance qui ne correspond pas au visage aperçu trop brièvement dans une librairie des Abbesses...

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  4. Tu ES une Grande voyageuse, n'en doute pas ! La vie, à elle seule, est un sacré voyage à défaut d'être un voyage sacré.

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