mercredi 30 décembre 2009

Divergence

Une année s’achève, c’est l’heure du bilan. J’ai relu quelques articles de ce blog et j’ai repensé à Bernard, mon cafard. J’ai repensé aussi à mes amours kamikazes, à l’apocalypse politique, aux départs manqués, à mes causes perdues, aux fuites en avant... Et je me suis dit qu’il était peut-être temps de ne plus regarder derrière.

La nouvelle année, c’est aussi l’occasion de faire des projets, de prendre ces fameuses « bonnes résolutions ». Alors je pourrais décider plein de trucs, du genre arrêter (encore) de fumer, poser pour de vrai mes cartons quelque part, dormir davantage, renoncer aux fraises tagada, reprendre la piscine. Je pourrais même déborder d’ambition et me résoudre à m’acheter une voiture avec une portière qui ferme, apprendre à déboucher toute seule un évier ou cesser de pleurer devant la Petite maison dans la prairie. Mais voilà, j’ai pas envie de faire tout ça.

Alors si je ne regarde ni derrière, ni devant, comment je fais ? Je regarde sur les côtés ? Je décide de voir la vie en biais ? Pourquoi pas. Je pourrai attaquer 2010 de travers, et surveiller l’année du coin de l’œil. Tant pis si ça me fait loucher, on ne peut pas toujours regarder l’avenir en face.

mercredi 23 décembre 2009

Révélations

On habitait en haut d’une butte, pas très haute, mais suffisamment pour que le Père Noël arrive en retard. Il lui fallait toute une nuit et toute une matinée pour parvenir jusqu’à notre maison, et nous devions attendre le 25 décembre à midi pour découvrir les cadeaux au pied du sapin. Forcément, on l’attendait chaque année comme le messie, depuis l’aube, avec l’espoir insensé que, pour une fois, il réussirait à grimper la côte au pas de course. Dès le petit-déjeuner, on chronométrait. On se disait qu’avec l’entrainement, il allait bien finir par améliorer son temps. Mais c’était sans compter sa surcharge pondérale et ses rennes toujours en rade.

Ainsi, notre Père Noël à nous ne volait pas. Il ne pouvait donc pas débouler du ciel. Et comme il ne pouvait pas non plus faire comme tout le monde et arriver par la porte d’entrée, on guettait partout son apparition. Ma sœur tenait le poste de commandement au rez-de-chaussée, et moi je fouillais chaque pièce de la maison, chaque endroit stratégique. Puisqu’on n’avait pas de cheminée et que personne n’était à une contradiction près, on trouvait tout à fait logique qu’il puisse sortir du four de la cuisine.

Et tous les ans, à midi précisément, mon grand-père avait quelque chose de très important à nous dire, mais dans la chambre à l’étage pour que nous soyons plus tranquilles pour parler. Alors que nous nous attendions à ce qu’il nous dévoile enfin le secret du Père Noël, il nous racontait toujours une de ses vieilles histoires que l’on connaissait par cœur, qui n’avaient jamais rien à voir avec Noël. Et quand on redescendait, pouf, les cadeaux étaient tous là. Et personne n’avait rien vu.

Et puis un jour, à force de coïncidences troublantes, j’ai fini par comprendre. Il arrivait toujours quand nous n’étions pas là, chaque fois au même moment, juste avant le repas. A l’heure de l’apéro, quand les bouteilles ouvertes trônaient sur la table. Le Père Noël était gros, mou, lent, et surtout alcoolique. Je n’ai pas voulu le dénoncer alors je n’ai jamais rien dit à personne. Jusqu’à aujourd’hui. Je sais, c’est moche de cafter...

samedi 19 décembre 2009

Archéologie préventive

Je me suis réveillée un jeudi matin, quelque part pas loin de la 5ème avenue, avec l’absolue certitude de ne plus être tout à fait moi. Je voulais rester couchée, me rendormir, alors j’ai imploré la nuit, supplié le sommeil, pour essayer de garder un peu d’hier tout contre moi. Et comme je n’y arrivais pas, j’ai inspecté mes ongles et traqué chaque petite peau morte ayant réchappé à l’appétence de mon angoisse. Quand je n’ai plus rien eu à me mettre sous la dent, quand l’appel des pancakes a fini par se faire insistant, j’ai enfilé un jean, un pull et suis allée jusqu’à la salle de bain. J’ai gardé les yeux fermés jusqu’au miroir, en ai ouvert un, l’ai refermé aussitôt. J’ai ouvert le second et ainsi de suite jusqu’à être étourdie par l’effet stroboscopique de mon petit manège. J’ai scruté mon visage, en ai détaillé la géométrie. Tout y était, même ces petites zébrures à l’angle de mes cils, celles dans lesquelles sont venues se nicher autant de larmes, autant d’éclats de rire, autant de tout, depuis autant d’années... Oui, elles y étaient encore, dessinaient le même soleil autour de mes yeux fatigués mais désormais apaisés : j'étais moi, belle et bien moi.
Je pourrais vous raconter l’histoire de chacun de ces rayons qui creusent mon regard, fouiller le temps à coup de pioche pour extraire de mes rides les souvenirs-vestiges de ces dernières années. Mais ce matin-là, en me penchant vers le miroir, je me suis dit qu’il restait plein de place dans mes soleils, qu'il y aurait encore bien d’autres sillons qui viendront s’enfiler dans mon regard. Il est trop tôt pour retracer l’archéologie de mon visage, alors je vais attendre un peu avant de cueillir l’histoire de tous mes printemps.

lundi 30 novembre 2009

Voir New York et mûrir

Certaines offrent leur virginité à leur premier amour, moi j’ai décidé d’offrir mes 30 ans à New York.

Je voulais vieillir dans un film de Scorsese, voir un match des Yankees, revivre Smokes et Brooklin folies. Alors je pars demain, bousculer mes clichés, réaliser un vieux rêve.

Et là-bas, j’irai grandir entre les buildings, je cracherai mes 20 ans dans les bouches d’égouts fumantes des quartiers chauds, je balancerai ma jeunesse sur les boulevards comme on jette un mégot sur le trottoir.

lundi 23 novembre 2009

Saucée de lacets

Il pleut des cordes.
Non, pas tout à fait des cordes, des lacets plutôt.
Oui, c’est exactement ça, sur les vitres des immeubles, se dessinent et s’entremêlent des centaines de petits cordons qui nouent les carreaux comme on lace ses chaussures. Je jette un œil sur celles du type à côté de moi Elles ne ressemblent à rien. A rien, ou à deux requins peut-être bien. Les semelles se sont désolidarisées du reste pour avaler, gueules béantes, les miasmes de boulevard, les rognures de bitume.
Il a suivi mon regard et m'a raconté sa vie de lèche-trottoir. Il m'a expliqué comment, pour survivre, les chaussures se font ramasse-miettes. Par temps de famine, elles happent les chiures d’asphalte, se gavent de toute la misère de la rue, s’emplissent la panse d’ordures et de fientes.
Il est des silences qui s’installent pour laisser place à la pudeur, des silences que l’on cultive soigneusement par décence, des silences pénitents, contrits. Construire des murs de non-dits, bâtir, pierre à pierre, un black-out de cailloux et s’y réfugier le temps de la repentance.
J’ai appris à y vivre dans ce bastion de scrupules et de honte, j’ai même appris à m’y sentir presque bien. Presque...
La pluie continue de s’écraser sur les fenêtres comme une giboulée de petit pois laissant sur les carreaux un nœud inextricable de cordelettes légumineuses. La nuit s’installe en plein après-midi.
Je le regarde, dans la pénombre. Le déluge de petits pois l’indiffère, de même que la cécité qui s’immisce chaque goutte un peu plus dans notre fin de journée. Je ne vois plus ses pieds mais je me souviens qu’il n’avait pas de lacets. Comme si ses chaussures les avaient avalés, engloutis, pour les recracher ailleurs, plus loin, sur les pavés d’une rue ruisselante de milliers d’autres lacets. Partout les égouts regorgent de tous ces cordons-macchabées, mâchés et dégueulés par autant de milliers de paires chaussures. Et aujourd’hui il pleut les lacets de tous les miséreux, désaxés et autres marginaux de la terre entière.

mercredi 11 novembre 2009

Question pour un champion

Qui suis-je ?

Mes deux petits doigts n’ont qu’une demie phalange et j’ai dans le dos comme un grain de peau. J’ai en permanence un kit de survie en milieu hostile et un bloc de post-it dans mon sac à main. Je pleure à chaque épisode de la Petite maison dans la prairie et je trouve que Roger n’est pas un prénom honnête pour un rabbit. J’ai donné un nom à mes pieds, à mon frigo et à feu-mon-cactus. J’ai la carte bleue compulsive et je ne me suis jamais épilée les sourcils. J’ai presque 30 ans et de la fuite dans les idées.

Je suis, je suis...