lundi 29 juin 2009

Vide sidéral

À 23 heures et des brouettes, je me lavais les dents en réfléchissant.

Tandis que je brossais, je me demandais si notre avenir planétaire n’était pas définitivement compromis depuis la mort de Michael Jackson. C’est vous dire le niveau de la réflexion que génère l’usage du dentifrice !

Depuis trois jours les médias ne parlent que du décès du prétendu roi de la pop et on nous ressort du « planétaire » à toutes les sauces. Les journaux et chroniques radio déplorent la mort d’une star « planétaire » ou annoncent un deuil « planétaire ».

Jusqu’alors, il y avait bien une actu au-delà de nos frontières, quelques infos vaguement internationales comme la crise, la pandémie grippale ou encore le réchauffement climatique. Certains évènements mondiaux nous touchent certes tous, où que nous vivions, mais seul Michael Jackson est aujourd'hui « planétaire ». C’est comme s’il y avait quelque chose de profondément cosmique dans sa disparition, quelque chose qui dépasse largement la réalité physique et géographique du globe pour nous renvoyer à un imaginaire spatial riche en possibilités fantasmagoriques. Michael Jackson est mort et le spectre de sa carrière galactique planera dans les limbes de l’espace intersidéral jusqu’à la fin des temps...

Je me suis amusée à taper « planétaire » dans ma barre de recherche et Google m’a automatiquement renvoyée vers la popstar, ce qui a conforté ma théorie d’un glissement sémantique vaguement inquiétant. Si Michael Jackson détient le monopole planétaire, maintenant qu’il est mort, reste-t-il un avenir aux terriens que nous sommes ?

En reposant ma brosse à dents, j’ai envisagé pour la toute première fois la possibilité d’une vie extra-terrestre comme une perspective rassurante...

dimanche 21 juin 2009

Kingos, Carcasse et les autres

J’ai la mémoire qui flanche.

Hier soir nous fêtions les 30 ans d’une amie. J’ai revu des visages familiers et je me suis replongée quelques poignées d’années en arrière. Il y avait Kingos, Carcasse et quelques autres. J’ai souri quand ils se sont présentés mais je n’ai pas pu me souvenir de la raison pour laquelle nous les avions affublés de tels surnoms il y a plus de 10 ans de cela.

Il parait que les poissons ont une mémoire d’environ trente secondes. J'ai pas envie d'être un poisson. Alors j’essaie de me rappeler, je m’accroche à des photos et aux notes griffonnées au dos. Clichés souvenirs, clichés sourires. J’ai tout ça archivé dans une boite rose soigneusement rangée dans un placard. Je les regarde parfois, alors je me souviens et je me sens bien. Pas seulement parce que j’ai la conviction de ne pas être un poisson mais aussi parce qu’il y a des moments figés dans cette boîte qui me donnent la certitude de ne pas être passée à côté de mes 20 ans.

Au fil du temps, j’ai rempli ma boite d’un paquet de tout : photos, mémos, post-its, origamis, additions, sous-bocks, moleskines, cailloux, partitions, coquillages et j’en passe. Je pourrais aussi y glisser un petit morceau d’hier soir. Je le ferai peut-être plus tard, lorsqu’il sera temps pour cette soirée-là d’être reléguée au rang de souvenir. Mais restera-t-il alors de la place ? Et si un jour, la capacité de stockage était atteinte ? Et si ma boîte affichait « mémoire pleine » ? Que ferai-je alors de tous ces instants de vie ? Comment les figerai-je dans l’histoire ? Dans mon histoire ?

Je n’en sais rien, il faudra peut-être que je me décide à grandir, un jour, pour devenir un poisson...

En attendant, je me demande encore pourquoi nous avions baptisé Kingos et Carcasse ainsi. Et je me demande surtout pourquoi depuis toutes ces années ils n’ont pas cherché à se débarrasser de leur surnom...

dimanche 14 juin 2009

Souvenirs en vrac


Je me souviens d’une virée chez Emmaüs et des heures qu’on a passées pour trouver quatre fourchettes qui se ressemblent ou à peu près. Je me souviens qu’on n’avait pas un rond, qu’on savait même pas si on pourrait se les payer les fourchettes Emmaüs.
Finalement, on a pu et on a même pris la louche assortie. On a décrété que c’était les plus beaux couverts du monde et on s’est embrassés.
Quelques mois après, on dressait la liste ce qui était à lui, à moi.
J’ai pris les fourchettes et lui la louche.

***

Je me souviens du jour où l’ophtalmo a mis du scotch sur mes lunettes. Les carreaux étaient tellement énormes qu’on aurait pu y dérouler un ruban entier d’adhésif. Il en a mis un bout sur chaque verre, histoire que j’arrête de regarder de travers. Moi je m’en fichais de loucher, j’avais l’habitude. Je m’en fichais même que ce soit moche, le scotch, mais le jour où on en a collé sur mes lunettes, j’ai eu envie de mourir. C’était la première fois que je voyais plus mon nez et j’ai cru qu’on me l’avait enlevé.

***

Je me souviens de mon premier amoureux et de son costume de papier mâché. Il était D’Artagnan et moi Milady. Il nous manquait Athos, Porthos et Aramis alors on a été chercher Ken, Winnie et G.I. Joe. Et puis, on a découpé trois petits bouts de mousseline pour leur couvrir la tête et les protéger des insectes.
Pour de vrai, y en avait pas des insectes, mais nous, on croyait qu’Athos, Porthos et Aramis, c’étaient les trois moustiquaires.

dimanche 7 juin 2009

Recueillement *

Les minutes s’égrènent depuis des heures, des semaines, des mois peut-être bien. Même la télé s’ennuie. Le petit écran tourne en rond, l’Europe attend le résultat des élections. Le présentateur fait son possible, voir l’impossible, pour meubler l’absence et chasser le moindre silence qui pourrait s’immiscer dans le vide de ses propos. Le sommet de son crâne a progressivement disparu du champ de vision; je me suis demandé si le caméraman n’avait pas succombé et fini par piquer du nez.

Et puis, les résultats sont tombés, sans suspens, sans surprise, sans rien. Il est 20 heures et rien ne se passe. Ou presque. Sur la télé défilent des camemberts colorés, des sourires sans triomphe, des déceptions attendues. Et moi, j’ai comme un nœud dans l’estomac et l’envie soudaine d’arracher les camemberts et les sourires de mon écran, de les rouler en boule, les piétiner, les catapulter loin de mon canapé.

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille

Je ne sais pas au juste à quel moment j’ai perdu ce truc qu’on appelle l’espoir. Je me souviens du premier coup de tampon sur ma carte électorale j’avais 18 ans et de la confiance à revendre. Je me revois plus tard, à 20 ans, 22 peut-être, attendre les résultats de je ne sais quelle élection en espérant que s’affiche sur mon écran le visage de l’Elu, le Sauveur, celui qui briserait la monotonie des jours, la ferait voler en éclat pour que la France entière, unie, puisse marcher d’un même pas vers un bonheur certain et que tout devienne possible. Il me semble que c’était il y a mille ans.

Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici

Il est 23 heures et des brouettes. J’ai coupé la télé, les camemberts se sont éteints et j’ai posé ma paume sur mon estomac. Viens-là, ma douleur, ma belle douleur, reste ici, près de moi, et que l’Europe sombre, implose ou périclite, on s’en fout...



* Titre et passages en italique : les Fleurs du mal, Baudelaire

mercredi 3 juin 2009

Non-anniversaire

Aujourd'hui, j'ai 29 ans et demi.
Voilà, c'est tout ce que je voulais dire.