dimanche 23 mai 2010

L'effet papillon

Un simple battement d’aile peut provoquer une tornade à l’autre bout du monde. C’est l’effet papillon.

Mon effet papillon à moi, c’est qu’un simple battement cil provoque systématiquement un cyclone dans ma vie de tous les jours.

Je m’explique : je suis un papillon, je n’ai pas d’ailes mais je bats des cils. Je bats des cils quand je fume une cigarette, je bats des cils quand je démonte mes étagères, je bats des cils quand je grimpe dans le bus, je bats des cils quand je fais la cuisine. Et ma vie est une tornade géante.

Retour à J moins 10 :

Mercredi 12 mai Je fume une cigarette. Dernière latte, battement de cil, et lâcher de mégot un peu trop tôt. Le sens du vent joue contre moi, la cigarette vient se nicher dans ma bottine. Je suis en jupe, ma cheville brûle, et mes Dim-up avec. Action-réaction : j’appuie pour stopper l’incendie. Petite cause, grands effets : embrasement de bas et trou de mégot dans la cheville. Ça fait un mal de chien.

Vendredi 14 mai Je prends le bus de 08h07, je valide mon titre de transport. Rangement de pass Navigo, démarrage impromptu de bus, battement de cil, vacillement et écrasement de nez contre barre. Je suis fatiguée d’être empotée.

Jeudi 20 mai Nettoyage de printemps, tout y passe, même les étagères du placard. Il me faut les démonter pour les décrasser. Soit, je démonte. Battement de cil, ripage d’étagère, chute sur pied et craquement d’os. J’en ai marre d’être moi.

Samedi 23 mai Dîner presque parfait. Au menu : parmentier de canard aux patates douces. Parfaitement réussi, je suis au top du timing et en pleine extase devant mon œuvre culinaire. Battement de cil, lâcher de plat et giclage de parmentier sur carrelage. Je suis au comble du désespoir.

Coupez-moi les ailes, brûlez-moi les cils, faites comme vous voudrez, mais pitié, rendez-moi ma cheville, mon nez, mes pied et mon putain de parmentier ! Je veux plus plus être un papillon, je veux juste rester une larve, me tapir dans mon cocon pour que les petites causes restent parfois sans conséquences.

samedi 1 mai 2010

Uggdal et moi

J’ai trimballé mes frusques pendant des années dans les endroits les plus paumés de ce pays. J’ai vécu des mois dans les Cévennes juste avec des oignons et une chèvre. J'ai habité un village des Pyrénées qui comptait moins de 60 habitants. Et pourtant, je ne me suis jamais autant sentie aussi isolée et démunie que ce soir, seule face à mon armoire Ikea.

Uggdal elle s’appelle, c’est écrit sur le carton. Il m’a fallu 7 mois pour l’acheter, 2 jours et 5 paires de bras pour la monter sur 5 étages, 1 appel à un ami pour assembler le gros du gros. 223 jours après le déménagement et le début de l’aventure, Uggdal traine toujours sa carcasse inachevée au beau milieu de ma chambre à coucher. Et j’ai envie de pleurer.

J’essaie de me raisonner, c’est l’affaire de deux ou trois tours de vis et de quelques coups de clé alène. Pas grand chose, vraiment. Et pourtant, le mode d’emploi en main, je me suis surprise ce soir à m’agenouiller devant Uggdal pour implorer les dieux de la menuiserie suédoise. J’ai fermé les yeux et dans une prière vaine, pathétique et totalement désespérée, je les ai suppliés de bien vouloir m’aider à trouver l’inspiration et la dextérité nécessaires pour parachever cette grande œuvre incomplète.

Quand j’ai rouvert les yeux, l’inspiration n’est pas venue et Uggdal n’a pas bougé d’un pouce ; par contre il m’a semblé apercevoir un rictus ironique sur le visage du petit bonhomme noir et blanc dessiné sur la notice d’assemblage. Je crois bien qu’il se payait ma tête. Du coup pour me venger, je lui ai dessiné une moustache et des oreilles de Mickey.

Samedi 1er mai 2010 – 21h51 : je renonce. Uggdal et moi, c’est fini. Nous aurons vécu une longue et belle histoire d’armoire.