dimanche 28 février 2010

Dimanche

On est dimanche et j’écoute Jamait chanter cette semaine qui crève. Je repense à ces derniers jours. J’ai l’impression d’avoir vécu mille vies depuis lundi.

Il y a eu cette minuscule main dans la mienne, ces moments à la fois tordants et émouvants avec ce petit bout fille au passé fragile dont le sourire s’offre à la terre entière comme un pied de nez au destin.

Il y a aussi eu cette virée à l’ouest. Ces beaux moments passés à se rêver muse, à trinquer à l’amitié et à se demander entre un verre et un éclat de rire si la vie n’est pas un acte manqué.

Puis le retour à Paris, le bus de 8h32 et l’envie furieuse de faire demi-tour, de changer de ville, de job et de peau, de tourner la page sur les habitudes qu’on a trop prises, sur des visages qu’on a trop vus.

Et enfin ce dimanche et sa gueule moche, ces heures où l’on refait le monde comme on défait l’amour, et la nostalgie de l’après.


Le vois-tu venir mon amour
Ce dimanche avec sa gueule moche
Ce cancrelat qui tourne autour
De ce jour triste comme un son d'cloche
Oh temps suspends mes heures de vol
Et couvre mon cœur de patine
Quand la déprime me racole
Que ses maux de passe me chagrinent
Entends-tu la marche funèbre
De cette semaine qui crève
A cette détresse une trêve
Poser ma bouche sur tes lèvres

Yves Jamait, Dimanche (Caresse-moi)

dimanche 14 février 2010

Un grain

Je n’ai pas mangé de riz pendant 25 ans.
Cette phrase pourrait être le début d’une longue réflexion psychanalytique sur l’origine de mes obsessions alimentaires mais je doute que la question vous intéresse. D’ailleurs, elle ne m’intéresse pas non plus. Mais je repensais à ça parce qu’aujourd’hui, c’est le nouvel an chinois. Et je me souviens que c’est précisément à cette occasion que j’ai décidé de remanger du riz il y a quelques années.
J’étais seule, probablement en manque de lien social, il y avait un reportage à la télévision sur la cuisine traditionnelle asiatique et la place du riz dans la culture locale. En y repensant, le soir, j’avais réalisé qu’un cinquième de la population vivait en Chine et qu’en excluant le riz de mon alimentation, je courrais un risque statistique énorme. Puisque la nourriture d’une personne sur cinq tournait autour d’un ingrédient que je ne mangeais pas, je ne pouvais mathématiquement dîner qu’avec quatre individus sur cinq. Ce qui signifiait alors que j’étais vouée à de très grands moments de solitude pendant près de vingt pour cent de mes temps de repas. Bannir de mon entourage immédiat 1 300 000 000 individus pour cause de non entente alimentaire, ça m’avait alors semblé très lourd de conséquences, même si les individus en question résidaient à plus de 8 000 kilomètres de chez moi. Mais comme je n’étais pas une incohérence près, et puisque j’étais terrorisée à l’idée de dîner seule jusqu’à la fin de mes jours, j’avais décidé de manger du riz à nouveau.
Dès le lendemain, je m’en cuisinais une plâtrée. J’en ai avalé une quantité démesurée, au point d’en être écœurée des heures durant. Mais il n’empêche qu’au moment où j’ai fini mon repas je me suis sentie bien : seule, face à mon assiette vide, j’ai eu la certitude absolue d’avoir une vie sociale épanouie !