mardi 22 juin 2010

Foot, céréales et lipogramme


L’été est arrivé, sans se presser. Se pose alors l’éternelle question, soulevée par un groupe aussi kitsch que mythique : est-ce que tu viens pour les vacances ?
Ben oui, lecteur, faut y songer à tes vacances. Si tu espérais rester chez toi pour accueillir une équipe française triomphale après un glorieux séjour sur le sol africain, il va falloir prévoir un plan B.
Si tu avais renoncé à quelques jours aux Antilles pour épargner, espérant naïvement financer un jour une retraite bien méritée, autant revoir illico tes projets.
Si tu voulais passer l’été sur M6, en tête à tête avec ta télé et Pascal-le-rockeur-céréalier, sauve-toi vite avant que sa love story tragico-champêtre n’attaque une fois pour toutes ta santé neuronale.
Alors est-ce que tu pars pour les vacances ? Oui, tu pars. Et si tu crains que, seul sur la plage sans télé, sans foot et sans rockeur-céréalier, l’ennui ne cause ta perte, je te suggère quelques saines lectures qui sauveront sans conteste ton morne séjour balnéaire:
-          Les Muses à tremplin - le numéro 7 : un florilège proso-poètique sélectionné par un lectorat aussi passionné que siphonné.
-          Nouvelliennes : quelques nouvelles, en kyrielles, puisées parmi la nouvelle vague webesque.


NB: Il n’aura peut-être pas échappé au lecteur perspicace que tu es qu’il manque une lettre à ce billet lipogrammique. Une miette est venue se nicher sous mon clavier et mon alphabet s’est retrouvé amputé (note pour moi-même: éviter le kouign amann lorsqu’on mange en trainant sur le web).
J'ai sauvé tes vacances, tu peux pas sauver mon clavier ?

dimanche 13 juin 2010

Je m'aigris


Chaque fois que je fais mes courses, je me dis que j’aurais dû faire un doctorat en microbiologie et génie alimentaire. Non pas que Monoprix réveille en moi une réelle vocation scientifique mais l’épreuve du caddie est devenue un tel supplice que j’ai parfois envie de ressusciter de lointaines connaissances physico-chimiques profondément enfouies dans les limbes de ma scolarité juste pour ne plus avoir à scotcher devant les rayons du supermarché.
Je n’ai pas le droit à l’erreur si j’en crois ce qu’en dit le gotha diétético – bien pensant. Il me faut manger sain pour lutter efficacement contre les maladies cardio-vasculaires, l'ostéoporose, l'hypertension, le cholestérol et toute une brochette de cancers dont je vous passe la liste. Alors forcément, quand je fais les courses je ressens une pression très lourde sur mes petites épaules, par ailleurs un peu trop rondouillettes pour ne pas être suspectes.
La brique de lait me cligne de l’œil du haut de son rayon. Je pense calcium, vitamine D, je me sens d’un coup toute revigorée rien qu’à l’idée de l’acheter. Je me ravise, je me souviens avoir entendu quelques bribes du néo-discours nutritionnel en vogue. Le lait de vache est un poison parait-il, et il y a dans ma brique des milliers d’enzymes toxiques tout prêts à me grignoter de l’intérieur. Adieu calcium, je t’aimais bien pourtant !
Je fuis le rayon boucherie, sous peine de réduire mon espérance de vie d’une bonne vingtaine d’années. J’opte pour le poisson et ses sacro-saints omega 3. Je saisis ma barquette de cabillaud, repense au discours de l’ONU et à la menace imminente qui pèse sur nos océans. Je me sens d’un coup écolo-mécréante et repose illico mon poisson.
Je pourrais noyer mon désarroi dans l’alcool, profiter des bienfaits des polyphénols et du verre de vin que la communauté médicale m’autorise à consommer quotidiennement. En vérité, je ne sais pas ce que sont les polyphénols mais je les imagine barboter joyeusement dans ma bouteille de Brouilly et je me réjouis en la posant dans mon caddie. Et puis je me dis qu’un verre, ça ne suffira pas à noyer mon désarroi. Il m’en faudra au moins deux ou trois, mais ce serait m’exposer à un risque cardio-vasculaire inconsidéré. Je renonce à mon Brouilly.
J’esquive le rayon chocolat, sous peine d’engager mon pronostic vital, et me dirige directement vers les fruits et légumes, aliments bénis des dieux de la nutrition. Et comme j’ai pas envie de développer de graves troubles neurologiques en imbibant mon corps de pesticides, je choisis le rayon bio. Mais mes vitamines ? Elles sont où mes vitamines ? Pas dans le bio selon une étude récente...
Alors je fais quoi moi ?
Je ramène mon caddie là où je l’ai trouvé, et en attendant de passer mon doctorat en génie alimentaire, je me nourris d’amour et d’eau fraiche. Surtout d’eau fraiche. Pas étonnant que je m'aigrisse à vue d'œil...