dimanche 24 janvier 2010

Bonne à marier ?

Ma grand-mère me disait toujours que je n’étais pas bonne à marier. Allégation arbitraire mais pas totalement dépourvue d’arguments. Elle avait développé sa théorie après avoir longuement observé mes défaillances ménagères telles que mon incapacité à ranger quoique ce soit dans un ordre a priori logique, mes crises de paralysie fulgurante à la vue d’un fer à repasser ou encore mon ignorance générale des principes culinaires de base. Mais tout cela aurait sans doute pu être récupérable si j’avais passé avec succès, ne serait-ce qu’une fois, le test de la laitue. Le but du jeu est simple : remuer la salade sans en faire tomber à côté. Si l’on échoue, alors on n’est pas bonne à marier. Si je n’ai jamais vraiment cru que mon avenir se jouait dans un saladier, il faut bien reconnaître que les hasards de la vie semblent avoir donné raison à feu ma grand-mère.

Mais les choses auraient-elles été différentes si j’avais été la reine de la lingette Swiffer ou une virtuose de la centrale vapeur ? Certainement si j’en crois l’ouvrage retrouvé il y a quelques semaines au fin fond de l’armoire de mes grands-parents et intitulé « La parfaite ménagère - organisation, entretien, confort » Mme E. JUMAU et Mme F. HERBET, éd. Larousse, 1935, 451 p. Je ne résiste pas au plaisir de partager ici quelques morceaux choisis :

La ménagère devra chaque jour, seule ou aidée par une domestique, faire le ménage. Cela consiste dans l’entretien du sol (les parquets seront balayés, cirés, les carrelages lavés), du mobilier (chaque meuble sera soigneusement essuyé), de la cheminée, des fenêtres, des parois murales qui seront dépoussiérées, essuyées, lavées, et dans l’aération et la mise en état des lits.

Bien nourrir sa famille est peut-être la tâche la plus importante de la ménagère, car c’est d’une alimentation saine et rationnelle que dépend la santé des siens.

C’est dans l’administration du budget consacré à l’alimentation que la ménagère devra le plus faire appel aux qualités d’ordre, de prévoyance qui lui sont indispensable.

La ménagère est responsable de la comptabilité d’où dépend l’heureux équilibre de la vie familiale.

Voici à titre indicatif, un emploi du temps qui peut convenir à un grand nombre de ménagères :

Lundi : blanchissage, lessive

Mardi : nettoyage à fond d’une pièce

Mercredi : repassage

Jeudi : nettoyage de la chambre de bonne et raccommodage

Vendredi : nettoyage de l’argenterie et de la salle de bains, des cuivres

Samedi : nettoyage des W.C. et de la cuisine


C’est par une bonne table que la réputation de maîtresse de maison accomplie s’établira surtout.

La ménagère a également besoin de détente morale, elle y a droit.


A n’en pas douter, je ne suis pas une parfaite ménagère, et quelque part, ça me soulage. Tant pis si je ne suis pas bonne à marier, d’autant qu’il me reste le travail et c’est déjà fantastique si j’en crois Mesdames JUMAU et HERBET:

Le travail régulier et intensif est le meilleur préservatif contre les maladies de l’esprit et du corps, c’est la consolation dans le malheur et le bonheur de la vie.

Alors, hein, de quoi je me plains ?

lundi 11 janvier 2010

Le positivisme

Le positivisme est un concept qui a de l’avenir. Je ne parle pas ici de la doctrine philosophique d’Auguste Comte, mais de la théorie moderne du « comment faire comme si tout allait bien quand ce n’est définitivement pas le cas ». Le positivisme nous suggère, en effet, de repeindre en rose-monochrome nos vies sans couleurs, d’aller de l’avant et d’offrir au monde notre plus beau sourire quand tout se barre en vrille. Efficacité prouvée parait-il, c’est pas moi qui le dis c’est Lorie, qui élabora en son temps une célèbre théorie du positivisme : « Devant la douleur tu dois savoir faire face / Moi j’ai trouvé un remède très efficace / La positive attitude ». L’argument est également soutenu par Carrefour dont la dialectique est certes moins explicite, mais tout autant pleine de promesses : « Le positif est de retour ».

Quelque soit le génie de Lorie et de Carrefour, rien ne nous oblige pour autant à les croire sur parole. Alors, en pleine morosité post-grippale, j’ai testé pour vous le positivisme. Puisque depuis 10 jours j’ai les bronches en charpie et la cervelle bouillie, je me suis dit que, devant la douleur, j’allais faire mienne la théorie Loricienne. J’ai positivé et constaté que, dans l’épreuve, j’avais réussi à tenir une bonne résolution que je n’avais même pas décidé de prendre : arrêter de fumer, en perdant même quelques kilos au passage. Comme ça, pouf, les doigts dans le nez. Le sevrage nicotinique est passé presque inaperçu dans le calvaire général, si ça c’est pas génial ! Et puisque le positif est de retour, ce serait trop bête de s’arrêter sur une si belle lancée, positivons encore : être malade, c’est aussi découvrir de nouvelles expériences, comme vivre en apnée, chercher un moyen de respirer par les yeux, redécouvrir les Feux de l’amour et constater avec bonheur que rien dans la série n’a changé depuis votre dernier arrêt maladie en 1998...

Je pourrais continuer, mais vous avez compris l’idée. L’exercice est amusant, il a au moins l’avantage de faire passer le temps, mais j’aurais sans doute apprécié davantage si je n’avais pas été obligée de me farcir les chansons de Lorie au passage.

lundi 4 janvier 2010

Santé !

Je me suis réveillée un vendredi matin et 2010 était là, au pied de mon lit. J’ai pas bien vu à quoi il ressemblait, faut dire, j’avais comme une cocotte minute dans la tête. Du coup, 2010 n’avait l’air de rien. Et moi non plus. J’ai traversé l’appartement péniblement, le ciboulot sous pression. En préparant le petit déjeuner, j’ai décidé deux choses : acheter du café, arrêter le champagne. Et en attendant, je suis allée me recoucher.

Je me suis levée quelques heures après, et j’ai vérifié que 2010 était toujours là, dès fois qu’il ait disparu dans un vide sidéral entre toute à l’heure et plus tard. Il était bien là, par contre mes capacités psychomotrices semblaient, elles, avoir disparu dans un espace intergalactique. Impossible de mettre un pied devant l’autre sans que le carrelage ne se dérobe sous mes pas. Les carreaux semblaient jouer à je ne sais quoi, et je ne me sentais pas vraiment la force de faire un sudoku du bout de mes orteils. J’ai réalisé que quelque chose allait vraiment de travers quand j’ai entendu mon tapis de douche se moquer de moi.

J’ai posé une main sur mon front et j’ai réalisé que le champagne n’y était pas pour grand chose. J’étais brulante et le seul muscle de mon corps qui semblait avoir conservé un semblant de vie, c’était celui de ma narine gauche qui tremblait de façon frénétique. Je me suis demandé à quoi ça pouvait bien servir une nouvelle année si, à peine entamée, tout commençait déjà à clocher. Alors j’ai cherché 2010 partout, pour rouler en boule cette fichue année, la catapulter par la fenêtre, et passer directement à 2011. Je me suis écroulée avant d’avoir eu le temps de faire quoique ce soit et je suis restée couchée trois jours durant. Trois jours de confinement, c’est long, surtout quand votre paupière droite a décidé de battre le rythme avec votre narine gauche pour vous empêcher de lire ou de vous occuper d’une quelconque manière. Alors j’ai réfléchi, longtemps, très longtemps. Et j’en suis arrivée à la conclusion suivante : à trop penser avec la tête en cocotte minute, on finit par avoir du pschitt dans les idées.