mardi 28 juillet 2009

J'ai froid

J’ai froid.

Y a des scooters plein les rues, et des types avec des casques par dessus. On dirait des bonhommes-champignons. J’entends les klaxons et les insultes qui se font écho. L’un d’eux me frôle le mollet en grimpant sur le trottoir. Je chante un peu, pour faire comme si.

Comme si quoi, d’ailleurs ?

Comme si j’m’en fichais champignons. Comme si tout allait bien.

Comme si j’avais pas froid.

Derrière la vitrine Nina Hagen s’affiche en couleurs criardes, la photo est réussie et pour un peu, elle mettrait un peu de chaleur dans ma journée noir et blanc. Je rentre, elle n’est pas à vendre, du moins pas pour les gens comme moi. C’est ce qu’a l’air de dire la vendeuse. Elle m’en propose une autre : une rue pavée ornée de quelques devantures tristes comme les pierres sous une lumière artificielle. Je prends celle-là, je me dis qu’elle est faite pour « les gens comme moi », et leurs soirées sans couleur.

J’ai froid. C’est l’été pourtant.

Un téléphone sonne. Je décroche.

Allo...

Rien. Personne. C’était pas le mien. J’échange quelques silences avec le vide avant de raccrocher tandis qu’un type me double et promet à son oreillette de ramener le pain. Je voudrais lui arracher son téléphone, hurler qu’on s’en fiche du pain, et lui faire avaler son engin.

Je ne fais rien. Je fais partie de ceux qui savent se tenir j’imagine. Je n’en sais trop rien en réalité, jusqu’à ce matin, je ne faisais pas partie des « gens comme moi », et peut-être que rien de ce qui vient d’arriver ne se serait passé ainsi si nous n’avions pas été aujourd’hui.

Si nous avions été un autre jour, avec un autre moi, j’aurais tapé du plat de la main sur la tête d’un champignon, histoire de venger mon mollet. Et puis je serais repartie avec Nina Hagen sous le coude et plein de couleurs dans les yeux. Sans doute que mon téléphone aurait sonné pour de vrai et j’aurais promis à quelqu’un de ramener le pain. Je serais allée acheter une baguette à la boulangerie du coin et j’aurais mangé le quignon sur le chemin la maison. Et puis j’aurais accroché le tableau juste au-dessus du canapé, après avoir percé trois fois à côté de là où j’aurais dû viser. J’aurais allumé une cigarette, et l’aurais accompagnée d’une gorgée de vin. La journée se serait arrêtée là, sur un verre de Brouilly.

Mais tout ceci s’est passé aujourd’hui, et la journée s’arrête là, sur une page de blog.

2 commentaires:

  1. Je frissonne à te lire ....

    RépondreSupprimer
  2. Décidément j'aime beaucoup la façon dont tu écris ! Un petit coucou de Savoie où je répète avant de jouer...

    RépondreSupprimer