vendredi 10 juillet 2009

Zero dollar baby

− Si tu fermes les yeux, c’est mort.

Il a dit ça en scotchant ses pupilles droit dans les miennes. J’ai pris une grande inspiration et j’ai tenté d’esquisser un sourire.

− T’es prête ?

Nen, j’étais pas prête, mais alors pas prête du tout. Pourtant, j’ai fait comme si... Comme si tout allait bien, comme si j’oubliais mes jambes coton-tiges et mes bras sopalins. Comme si je pouvais y arriver. Comme si je me sentais pas stupide de m’être encore fixé un défi à la con. Putain de 30 piges !

J’ai dit que oui, j’étais prête, espérant que ma pupille ne trahisse pas ma trouille. Il a resserré le lacet de mes gants avant de m’offrir le premier coup. D’un geste maladroit et quasi-désespéré, j’ai visé sa taille avec ma jambe gauche. Il l’a contrée, les doigts dans le nez. J’étais pas spécialement surprise, je me doutais bien que je pouvais pas le mettre KO du premier coup. Surtout que la boxe thaï, il la pratiquait et l’enseignait depuis des années tandis que moi, j’en étais à mon premier cours et la demi-heure de corde à sauter qui l’avait précédé m’avait littéralement achevée. Pendant tout le combat, j’essayais de me souvenir de tout ce qu’il venait d’essayer de m’apprendre et je ne me suis rappelé de rien. De rien du tout. Sauf de ce qu’il avait dit juste avant : « Si tu fermes les yeux, c’est mort. »

Alors mon corps a flanché mille fois, ma respiration s’est bloquée sans cesse et rien ne s’est passé comme il aurait fallu que ça se passe ; mais mon regard est resté accroché au sien jusqu’au bout, jusqu’à ce que je n’en puisse plus, jusqu’à ce que son poing vienne attraper ma nuque pour flanquer ma tête contre son épaule.

Il a desserré les lacets de mes gants et m’a fait promettre de revenir. J’ai promis, sous réserve toutefois que je retrouve un jour l’usage de mes jambes.

Je suis rentrée chez moi en rampant, lessivée, les muscles paralysés et les traces du casque incrustées dans chacun des pores de mon visage. Je me suis allongée sur le lit et suis restée des heures les yeux fixés au plafond en me demandant quand est-ce que je pourrai les fermer à nouveau.

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