dimanche 7 juin 2009

Recueillement *

Les minutes s’égrènent depuis des heures, des semaines, des mois peut-être bien. Même la télé s’ennuie. Le petit écran tourne en rond, l’Europe attend le résultat des élections. Le présentateur fait son possible, voir l’impossible, pour meubler l’absence et chasser le moindre silence qui pourrait s’immiscer dans le vide de ses propos. Le sommet de son crâne a progressivement disparu du champ de vision; je me suis demandé si le caméraman n’avait pas succombé et fini par piquer du nez.

Et puis, les résultats sont tombés, sans suspens, sans surprise, sans rien. Il est 20 heures et rien ne se passe. Ou presque. Sur la télé défilent des camemberts colorés, des sourires sans triomphe, des déceptions attendues. Et moi, j’ai comme un nœud dans l’estomac et l’envie soudaine d’arracher les camemberts et les sourires de mon écran, de les rouler en boule, les piétiner, les catapulter loin de mon canapé.

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille

Je ne sais pas au juste à quel moment j’ai perdu ce truc qu’on appelle l’espoir. Je me souviens du premier coup de tampon sur ma carte électorale j’avais 18 ans et de la confiance à revendre. Je me revois plus tard, à 20 ans, 22 peut-être, attendre les résultats de je ne sais quelle élection en espérant que s’affiche sur mon écran le visage de l’Elu, le Sauveur, celui qui briserait la monotonie des jours, la ferait voler en éclat pour que la France entière, unie, puisse marcher d’un même pas vers un bonheur certain et que tout devienne possible. Il me semble que c’était il y a mille ans.

Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici

Il est 23 heures et des brouettes. J’ai coupé la télé, les camemberts se sont éteints et j’ai posé ma paume sur mon estomac. Viens-là, ma douleur, ma belle douleur, reste ici, près de moi, et que l’Europe sombre, implose ou périclite, on s’en fout...



* Titre et passages en italique : les Fleurs du mal, Baudelaire

3 commentaires:

  1. Tu sais que tu devrais faire "auteure" toi! Tu écris vraiment très bien, avec élégance et humour. Bref, tout ça pour dire que je partage, hélàs, ton désenchantement,mais que je veux continuer à y croire et à chaque élection...j'espère! A part cela j'ai écrit quelques lignes ce matin sur la signature de samedi, je parle de toi, bien sûr! Et l'un de mes amis auteurs, Elie Pressmann (qui a écrit un livre d'aphorismes, d'ailleurs assez savoureux)laisse un commentaire comme quoi, il a écrit une pièce intitulée "De la fuite dans les idées"!...Bises

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  2. Je découvre ton blog à l'instatant, chère "Endive", grâce à Michèle Laurence, "Le jeune Homme à la Canne, Monsieur Moatti etla laibrairie des Abbesses
    Je reviendrai
    Je suis un peintre belge
    http://www.christianvancautotems.org

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