mardi 12 mai 2009

Echo de musique morte*

Ce matin, je me suis pointée au guichet de la RATP et j’ai demandé un paquet de Benson. Je ne fume plus depuis des mois et je voulais acheter des tickets de métro. Mais pour une raison que j’ignore, c’est le nom de la marque des cigarettes que j’ai achetées pendant des années que j’ai prononcé. Le guichetier n’a rien compris, m’a demandé de répéter, ce que j’ai fait jusqu’à ce que je me reprenne et que je mette ce moment d’absence sur le compte d’un réveil difficile.

Je suis finalement repartie avec mon carnet de tickets mais je me suis demandé toute la matinée s’il fallait trouver une signification quelconque à cette défaillance soudaine de mon cerveau. Et puis je me suis souvenue que c’était loin d’être la première fois que mon esprit buggait. J’ai repensé à tous ces moments d’inattention qui m’avaient valu de me retrouver à plus d’une reprise dans des situations saugrenues. Il y avait eu ce jour où, perdue dans mes pensées, j’avais pulvérisé de la laque sous mes aisselles et passé le reste de la journée à serrer mes bras contre mon corps afin d’apaiser l’irritation. Pour supporter la douleur, je m’étais raccrochée à l’idée que, par bonheur, j’avais eu la présence d’esprit de ne pas asperger mes cheveux de déodorant...

J’ai souvent mis ces égarements sur le compte de l’étourderie, voire de la maladresse. La semaine dernière, je me suis surprise à ne pas hurler de douleur en me brulant pour la énième fois avec mon fer à repasser. Et je ne compte plus les jours où je me suis cassée la figure parce que le talon de ma chaussure est venu se nicher dans l’ourlet de mon pantalon. J’ai finalement opté pour les jupes lors des rendez-vous importants, jusqu’à ce qu’un bout de l’une d’entre elles reste coincé dans ma culotte tout un après-midi durant...

Et puis je me suis fait une raison. Je suis ce que je suis, et même s’il y a des jours où j’en ai marre, profondément marre, il faut bien que je me fasse à l’idée que je n’ai pas de moi de rechange. C’est ainsi.

Il n’empêche que ce matin, ce n’était pas de la maladresse, ni de l’étourderie, c’était autre chose, comme la survivance d’une époque révolue, un anachronisme subconscient, un lapsus en somme. Et je me suis rappelé que la veille, ma langue avait déjà fourché. J’avais appelé un ami par le prénom d’un fantôme, tout droit sorti des limbes de ma mémoire. Je ne sais pas pourquoi hier, je ne sais pas pourquoi lui, mais je me suis dit que ça ne pouvait pas être autre chose qu’un « écho de cette musique morte » dont parlait Aragon, celui-là même qui fait que « lorsque les choses ne sont plus qu'un souvenir de leur frisson (...) demeure la douleur du son. »*

C’est si peu dire...



* C'est si peu dire que je t'aime, Aragon

1 commentaire:

  1. Aragon aurait-il raison? Ou le simple fait de penser qu'il serait grand temps que tu prennes le temps au temps, voire tout simplement, poser quelques jours de farniente, de vacances (oui osons le mot!) et par une déconnexion du quotidien, ton p'tit cerveau après un mode veille, ferait à nouveau des étincelles? Ou c'est plus grave...
    Parfois, il nous arrive à toutes et tous de bugger sur certains moments de notre vie, qui pensons-nous, avons oublié. Le cerveau est un dilemme et jardin secret dans tous les sens du termes...

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