mardi 14 avril 2009

Ma lettre, mal être

Je rentre tard, j’ai trimé toute la journée et je m’apprête à ouvrir ma boîte à lettres. J’aime ce moment-là, je ne sais jamais sur quoi je vais tomber. Généralement sur une facture EDF, une quittance de loyer ou encore la revue mensuelle de ma mutuelle. Mais parfois, je trouve un petit mot manuscrit au dos d’une carte postale super kitsche et ça me colle le sourire pour la soirée.
Là, rien de tout ça, juste une enveloppe blanche, avec mon nom dessus. Pas d’adresse. Ça m’intrigue, j’imagine une missive top secrète, un chèque mystère ou la déclaration enflammée d’un amant anonyme. J’ai les neurones en effervescence et le palpitant qui s’affole. Je pourrais ouvrir mais je fais durer le suspens. Je pose la lettre bien en vue sur le plan de travail de la cuisine tandis que je mélange le vinaigre avec l’huile et la moutarde pour assaisonner une salade verte. J’imagine tout ce que l’enveloppe pourrait contenir, tous les mots qu’elle pourrait dire, ou taire entre les lignes. J’hésite à la décacheter mais je sais qu’après, ce ne sera plus pareil. Une fois que le mystère sera consommé, que me restera-t-il ? Ma laitue, certes, et puis après ?
J’attends encore un peu, je cherche à percevoir le contenu par transparence en collant la lettre contre la fenêtre. Trop tard pour tricher, il fait déjà nuit. Je finis par ouvrir pour découvrir un dépliant sur papier glacé. Le titre en gros et en rouge s’adresse directement à moi, m’interpelle : « Melle Christelle M., êtes-vous vraiment faîte pour vivre seule ? » Je suis outrée, indignée. Melle Christelle M., elle en sait rien de ce pourquoi elle est faite, mais elle a bien l’intention de ne pas se laisser offenser par un prospectus à la noix qui se permet bien des indiscrétions !
J’ignorais qu’on pouvait être fiché dans les agences matrimoniales comme on est fiché aux R.G. Je me suis demandé s’il n’était pas censé exister un système de protection des données personnelles et j’ai pensé que j’avais dû oublier de cocher une case quelque part. Vous savez, le genre de cases que l’on trouve parfois sur les pages web, suivies d’une petite phrase (probablement sortie de la plume d’une autre célibataire bafouée dans sa dignité) qui dit quelque chose du style :
« Conformément à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent… »
Le lendemain matin, j’étais toute disposée à faire valoir mes droits lorsque j’ai aperçu le fameux prospectus par terre, sur le trottoir à côté des poubelles. Sur celui-ci figurait le nom de ma voisine, mariée depuis une bonne quinzaine d’années. Je me suis rendue compte que toute la rue avait probablement été inondée par le même dépliant. Ça m’a rassurée, un peu, de savoir que je n’étais pas personnellement visée. Il n’empêche que depuis que cette enveloppe est entrée dans ma cuisine, j’ai envie de hurler à ma boîte à lettres, au facteur et au monde entier que non, je ne suis pas faite pour vivre seule !

4 commentaires:

  1. Cà me rappelle les coups de fils du type "sondage" ou "offres cadeaux" mais pour couples uniquement, où on vous raccroche au nez sous prétexte qu'on est célibataire: pourquoi ? Pour acheter une cuisine ou être invitée au salon de la gastronomie, faut vivre en couple ?

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  2. Heureux de te retrouver.
    C'est avec plaisir que je viendrai sur ce nouveau blog.
    Bises.

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  3. Tiens, je découvre "infovite" parmi tes visiteurs, ça me fait plaisir, il est aussi un "mien" fidèle! Moi aussi, j'aime te lire aujourd'hui comme j'aimais lire les aphorismes d'Endive! Et je comprends très bien le suspens déçu de l'écriture "personnalisée" sur une enveloppe qui contient une pub de merde! Quelle déception! Bises

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  4. Tu as une écriture super...te lire est un régal :-)
    J'adore aussi retarder le moment de, pour le plaisir d'imaginer, souvent le plus beau et le plus irréaliste des rêves ;-)

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