vendredi 26 mars 2010

Mamie-Pipi

Mes journées sont rythmées par une série de rituels, d’habitudes qui reviennent chaque fois comme une rengaine. Je me demande si c’est ça vieillir : poser des jalons sur la route du quotidien pour ne pas trébucher sur l’inconnu.

Il y a cette cérémonie du matin, le réveil qui sonne deux fois, à la même heure, le tous azimut de France Inter et la sempiternelle répétition des gestes chronométrés quasi à la seconde près. Et puis le trajet en bus, le bip du compostage, et la sensation étrange de croiser chaque jour des visages inconnus et pourtant tellement familiers. S’en suit le reste de la journée, ponctuée par le même goût de café brûlé et les éternels courants d’air des pauses cigarettes.

Il y aussi les réunions du lundi, les apéros du mardi et le sport du jeudi. Les agios de fin de mois, la paie du 25 et le gigot boulangère de Noël. Toutes ces balises quotidiennes, mensuelles, annuelles qui scandent la vie, rassurent souvent, et m’angoissent parfois.

Je pensais à ça en fumant sur la passerelle. En rejoignant mon bureau j’ai croisé Mamie-Pipi, j'ai regardé ma montre et j’ai souri. On pourrait écrire une thèse sur Mamie-Pipi et la force de l’habitude. Chaque jour, à 16 heures pétantes, Mamie-Pipi prend l’ascenseur avec son caddie, monte au deuxième étage de l’immeuble, prend le couloir de gauche et rentre dans les premières toilettes de droite. Chaque jour, elle baisse les yeux en croisant l’hôtesse d’accueil, chaque jour elle grommelle un « bonjour » dans murmure gêné et chaque jour elle repart sans un regard, sans un au-revoir. Mamie-Pipi est un mystère pour nous tous, personne ne la connaît, tout le monde ignore ce qui, au-delà d’un besoin naturel, l’amène ici tous les jours pile à la même heure... Mais y-a-t-il vraiment une raison à l’origine du rituel ? Sans doute que non, de même qu’il n’y a pas de raison de continuer à boire un café dégueulasse le matin ou de manger un gigot boulangère à Noël. Alors j’ai réfléchi à tout ça et j’en ai déduit que moi aussi j’étais une Mamie-Pipi. Je me suis juré de ne jamais m’acheter de caddie, il n’empêche qu’il y a peut-être quelqu’un qui sourit en regardant sa montre quand je pars au sport le jeudi. Et puis ?

5 commentaires:

  1. J'ai entendu ou lu quelque part que celui ou celle qui ritualisait sa vie et son quotidien, répétait inlassablement les mêmes choses chaque jour, aux mêmes heures réduisait son stress. Et vivait plus longtemps. Ainsi tu seras sage, longtemps :)
    Tiana

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  2. Quel plaisir de retrouver ton petit billet, toujours si bien "croqué" si tendre, si pertinent, comme jadis les aphorismes d'une certaine "Endive" que je dégustais avec gourmandise !
    Amitiés

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  3. Avec beaucoup de facéties, je dirais que tant que tu te limites aux fuites dans les idées tu as encore une belle marge d'avance sur mamie-pipi.
    Bon,
    C'est pas tout ça mais c'est l'heure du café.

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  4. La routine quelle coquine celle-là..pas à dire pour la virer certains jours faut être rebelle jusqu'au bout des ongles et avec l'arrivée du printemps, quoi de mieux de la bousculer un peu. Petite sensation en mode Christelle que j'aime beaucoup lire.. biz la miss

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  5. Ce besoin de repères, ces gestes communs et connus qu'on répète chaque jour sont là pour apaiser nos angoisses et nous rappeler que la vie est un éternel recommencement: lassitude? Non. L'homme est ainsi fait !
    Moi, c'est consulter ton blog qui devient un rituel: un TOC ? pas encore !!

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