samedi 8 août 2009

L'amant-peine

J’ai commencé à compter les moutons au milieu de la nuit. Et quand il y en a eu assez, j’ai tricoté des chaussettes, une écharpe et puis un pull. A quatre heures du matin, j’attaquais un manteau mais le énième mouton a refusé de se laisser tondre et tout est parti en vrille.

Mon amant-peine s’est pointé et j’ai pas su quoi lui dire. J’avais pas préparé de discours alors j’ai récité l’alphabet. Bien sûr, ça sert à rien l’alphabet. Bien sûr j’aurais pu lui parler, lui raconter les moutons, les nuits sans sommeil, les « je t’aime » qui trébuchent, se cognent contre les murs, les fantômes de nos nuits qui dansent à côté, dans la chambre. Bien sûr, j’aurais pu lui dire tout ça, la douleur et l’absence. Mais on dit pas ces choses-là entre deux chaussettes et un pull. Et peut-être qu’on ne les dit pas tout court.

J’ai demandé à un mouton de le raccompagner et je suis retournée à mon tricot. Quand je me suis réveillée, j’étais habillée pour l’hiver.

3 commentaires:

  1. Je crois qu'on les dit, parfois...
    piouhpiouh!

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  2. ça c'est la plus belle histoire que j'ai lue depuis bien longtemps !
    :-))
    j'adore !
    au moins l'hivers sera au chaud.

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  3. Que de finesse dans cette écriture, j'en suis toute admirative.

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