Il a cessé de pleuvoir dans ma mémoire et je suis retour. Enfin, à un détail près : je ne suis plus vraiment la même. Après une phase de chrysalidation, j’ai complètement basculé dans l’autre camp, celui de « celles qui l’ont fait ».
Tout a commencé il y a quelques mois. Petit à petit, sans que je ne voie trop rien venir, j’ai commencé à n’être plus tout à fait moi. En février, je me suis douchée avec mes chaussettes en mohair et en juin j’ai nettoyé le carrelage de la salle de bain avec ma laque à cheveux. Quand au mois d’août, j’ai fondu en larmes devant les Feux de l’amour, je me suis dit que ma chrysalidation commençait à s’apparenter dangereusement à une lobotomisation. Mais au-delà de ces quelques fuites idéesques qui, sommes toutes, me caractérisent depuis assez longtemps, je découvrais également les embuches parsemant le long chemin de l’état larvesque vers l’éclosion. Il m’a fallu subir des épreuves qui n’existent même pas aux JO, mais croyez-moi, si ça avait été le cas, j’aurais remporté haut la main plusieurs médailles d’or, notamment celle du 12 x 15 mètres en une nuit (les 15 mètres correspondant à la distance séparant mon lit des WC). J’aurais sans doute également raflé une médaille pour avoir réussi à viser 6 ou 7 fois consécutives dans le mile, avec justesse et précision, sans jamais voir la cible, à savoir le gobelet sensé recueillir le fruit de ma vessie. Autre performance, et pas des moindres, j’ai ingéré l’équivalent calorifique de deux paquets de fraises Tagada en moins de trente secondes sans vomir sur l’infirmière missionnée pour surveiller ma glycémie veineuse. Oui, j’aurais largement mérité l’or si ces épreuves avaient existé, et j’aurais gravi avec fierté les marches du podium si mes pieds enflés ne s’étaient pas transformés en paupiettes dans mes sandales, et surtout si je n’étais pas devenue cet énorme mammifère échoué sur sa banquette.
Et puis, le 1er septembre, la chrysalidation s’est achevée par un marathon de 22 heures au terme duquel j’ai fait ce pour quoi j’ai été génétiquement programmée, ce dont je rêve depuis que j’ai déballé au pied du sapin ma toute première poupée Corolle, mais surtout ce dont je suis la plus fière: j’ai mis au monde un enfant, mon enfant : Marie-Linh.