mardi 11 décembre 2012

Elle




Elle a les yeux du Levant qui s’étirent en amandes et scintillent comme deux soleils noirs.
Elle a de longs cils qui envoient balader l’air à chaque clignement de paupière.
Elle sourit aux anges quand elle rêve, comme si elle trimballait chaque nuit un petit bout de paradis.
Elle semble nourrir un amour intense mais sans espoir pour un lapin en peluche à qui elle déclare sa flamme tous les matins.
Elle aime que je lui chante « Le petit prince a dit » et se marre quand je me mélange les pinceaux entre le jeudi et le vendredi.  
Elle ouvre toujours un œil quand elle s’endort dans mes bras, juste histoire de s’assurer que je suis encore bien là.
Elle sourit à pleines dents, même si elle n’en a pas.
Elle fronce le sourcil, parfois, quand elle se rend compte je lui raconte n’importe quoi.
Elle ne pleure presque jamais, peut-être parce qu’elle sait que ça me tord chaque fois les tripes.
Elle est si petite que je me demande souvent comment elle peut prendre autant de place dans ma vie.
Elle est ma chair, mon sang, mon évidence, mon tout.

lundi 17 septembre 2012

Ma chrysalidation




Il a cessé de pleuvoir dans ma mémoire et je suis retour. Enfin, à un détail près : je ne suis plus vraiment la même. Après une phase de chrysalidation, j’ai complètement basculé dans l’autre camp, celui de « celles qui l’ont fait ».
Tout a commencé il y a quelques mois. Petit à petit, sans que je ne voie trop rien venir, j’ai commencé à n’être plus tout à fait moi. En février, je me suis douchée avec mes chaussettes en mohair et en juin j’ai nettoyé le carrelage de la salle de bain avec ma laque à cheveux. Quand au mois d’août, j’ai fondu en larmes devant les Feux de l’amour, je me suis dit que ma chrysalidation commençait à s’apparenter dangereusement à une lobotomisation. Mais au-delà de ces quelques fuites idéesques qui, sommes toutes, me caractérisent depuis assez longtemps, je découvrais également les embuches parsemant le long chemin de l’état larvesque vers l’éclosion. Il m’a fallu subir des épreuves qui n’existent même pas aux JO, mais croyez-moi, si ça avait été le cas, j’aurais remporté haut la main plusieurs médailles d’or, notamment celle du 12 x 15 mètres en une nuit (les 15 mètres correspondant à la distance séparant mon lit des WC). J’aurais sans doute également raflé une médaille pour avoir réussi à viser 6 ou 7 fois consécutives dans le mile, avec justesse et précision, sans jamais voir la cible, à savoir le gobelet sensé recueillir le fruit de ma vessie. Autre performance, et pas des moindres, j’ai ingéré l’équivalent calorifique de deux paquets de fraises Tagada en moins de trente secondes sans vomir sur l’infirmière missionnée pour surveiller ma glycémie veineuse. Oui, j’aurais largement mérité l’or si ces épreuves avaient existé, et j’aurais gravi avec fierté les marches du podium si mes pieds enflés ne s’étaient pas transformés en paupiettes dans mes sandales, et surtout si je n’étais pas devenue cet énorme mammifère échoué sur sa banquette.
Et puis, le 1er septembre, la chrysalidation s’est achevée par un marathon de 22 heures au terme duquel j’ai fait ce pour quoi j’ai été génétiquement programmée, ce dont je rêve depuis que j’ai déballé au pied du sapin ma toute première poupée Corolle, mais surtout ce dont je suis la plus fière: j’ai mis au monde un enfant, mon enfant : Marie-Linh.