samedi 22 août 2009

Jeudi

Poser sa tête sur un rayon de soleil, et dormir. Rêver à demain, ou à plus tard. A jeudi, par exemple.

Jeudi, nous serons nombreux à voyager. Toute la famille, les amis aussi. Tous en partance pour Haïti.

Là-bas, il y a un petit bout de fille. Frantzcesca, 4 ans et un sourire à vous dézinguer l’âme.

Ils étaient deux à abattre des montagnes pendant les centaines de jours et les milliers d’heures qui les retenaient loin de ce sourire.

Et tandis qu’ils prendront l’avion jeudi, nous, la famille, les amis, nous resterons à terre bien sûr, mais nous retiendrons notre souffle et calerons les battements de nos cœurs sur le rythme des poignées de minutes qui les séparent encore de leur fille.

Il y a des courages qui forcent l’admiration. Celui de Frantzcesca. Celui de ses parents.

samedi 8 août 2009

L'amant-peine

J’ai commencé à compter les moutons au milieu de la nuit. Et quand il y en a eu assez, j’ai tricoté des chaussettes, une écharpe et puis un pull. A quatre heures du matin, j’attaquais un manteau mais le énième mouton a refusé de se laisser tondre et tout est parti en vrille.

Mon amant-peine s’est pointé et j’ai pas su quoi lui dire. J’avais pas préparé de discours alors j’ai récité l’alphabet. Bien sûr, ça sert à rien l’alphabet. Bien sûr j’aurais pu lui parler, lui raconter les moutons, les nuits sans sommeil, les « je t’aime » qui trébuchent, se cognent contre les murs, les fantômes de nos nuits qui dansent à côté, dans la chambre. Bien sûr, j’aurais pu lui dire tout ça, la douleur et l’absence. Mais on dit pas ces choses-là entre deux chaussettes et un pull. Et peut-être qu’on ne les dit pas tout court.

J’ai demandé à un mouton de le raccompagner et je suis retournée à mon tricot. Quand je me suis réveillée, j’étais habillée pour l’hiver.

lundi 3 août 2009

Sans lendemain

Je fais la queue à la sous-préfecture, histoire de mettre à jour ma carte grise. Tout arrive. J’ai au moins 2 heures à attendre et sur le siège à côté de moi, quelqu’un a abandonné un magazine. Je le prends, l’article page 16 me propose d’y voir clair dans mon avenir. Je tente ma chance en numérologie. Il me faut additionner le jour et mois de naissance, soustraire le tout par la somme des quatre chiffres de l’année en cours et multiplier le résultat par un coefficient savamment calculé par un astromancien en chef. Du bout de mes dix doigts, je m’exécute et finis par trouver mon numéro. Je dois me référer au commentaire, page suivante. Sauf qu’il n’y a pas de page suivante. Mon destin est perdu, enfoui quelque part dans les méandres d’un magazine obscur dont la page 17 s’est évaporée. Arrachée. J’imagine qu’au dos de la page en question, une recette quelconque a attiré la convoitise d’une âme perfide qui n’a pas hésité à troquer mon avenir contre un gratin de courgettes. Et voilà comment on se retrouve dans la salle d’attente d’une sous-préfecture, voué à un futur sans lendemain...