vendredi 29 mai 2009

Décalco, pizza et autres copineries

Se réveiller un matin avec un léger mal de crâne et un décalco Malabar tatoué sur l’avant-bras. Essayer de se souvenir, y arriver et puis sourire.

Aller à la piscine ensemble, la marque des bas incrustée dans la chair jusque mi-mollet. Se dire que le ridicule ne tue pas. Mais quand même...

Prendre un verre à trois, multiplier par deux, ou quatre. Calculer, utiliser ses doigts, emprunter ceux du voisin. C’est l’happy hour, ça compte pour du beurre.

Se laisser des post-its sur le miroir des toilettes, mener l’enquête, retrouver qui a écrit quoi et se tromper sans cesse.

Hélitroyer une pizza oubliée, se marrer comme des baleines en négociant le virage. Viser à côté et recommencer.

Fumer un joint, puis se rappeler qu’on ne fume plus. L’écraser en se demandant au juste pourquoi on a arrêté. S’en souvenir et partir dans un fou rire.

Mes amies, nos conneries, la vie.

dimanche 24 mai 2009

P [(X ≤ x) ∩(Y ≤ y)]= P (X ≤ x). P(Y ≤ y)

Lorsque vous étiez à l’école, vous avez probablement étudié, tout comme moi (mais sans doute avec plus d’assiduité), les probabilités. Ainsi, vous vous souvenez peut-être de la loi de probabilité d’une variable aléatoire réelle. Ou peut-être pas. Je faisais partie de ceux qui ne s’en souvenaient pas jusqu’à la semaine passée. J’ai en effet retrouvé l’existence de cette fameuse loi alors que je me demandais si quelqu’un avait déjà tenté de théoriser scientifiquement mon expérience improbable du lave-linge.

Je vous explique : je lave tous mes habits à la même température, sans distinguo de couleur, de tissus, de type de vêtements... bref sans distinguo de rien. J’ai fait, il y a plus de 10 ans de cela, le pari un peu fou que la probabilité pour que quelque chose ne déteigne ou ne rétrécisse était faible au regard de la possibilité que je pète les plombs à force de perdre du temps et de l’énergie à trier le linge. Si l’on considère que j’ai fait tourner plus d’un millier de lessives au cours de ces dix dernières années et que j’ai dû perdre dans la bataille en tout et pour tout une culotte et deux torchons, je pense avoir fait le bon choix.

Néanmoins, si j’en crois ce qu’il est écrit au dos de mon paquet de lessive et ce que me disent les quelques (rares) personnes avec qui je discute détergent, j’en déduis que mon expérience du non-tri est statistiquement invraisemblable et que mon lave-linge réchappe à la loi de probabilité d’une variable aléatoire réelle.

Comme chaque phénomène s’explique toujours de façon rationnelle et scientifique (parait-il), j’ai supposé qu’il existait une loi pour cette exception, et qu’elle devait s’appeler loi de probabilité d’une variable aléatoire hypothétiquement heureuse, ou loi de l’aubaine récurrente, ou quelque chose comme ça. Et comme personne n’a jamais inventé de théorie juste pour un lave-linge, je me suis dit que le concept devait avoir tout un tas d'autres domaines d’application. Dans un but empirique, j’ai ainsi décidé de ne plus payer le parcmètre et de fermer les yeux sur mes découverts bancaires à répétition.

Observation, expérimentation, déduction : Après un PV et la confiscation de ma carte bleue, il ressort que la loi de l’aubaine récurrente ne concerne que mon lave-linge...

dimanche 17 mai 2009

Scoop toujours !

J’aurais pu écrire ici un article du genre « Aujourd’hui j’ai testé pour vous le club de gym pour filles ». J’aurais pu parce que j’ai effectivement testé (davantage pour mes cuisses que pour vous mais peu importe) et il y a matière à raconter. Je vous aurais parlé de l’ambiance électro-juvénile, du concept révolutionnaire de court-circuit minceur et je vous aurais raconté comment mes copines et moi on a failli disjoncter.

Sauf que je ne vais rien écrire de tout ça parce que j’ai d’autres projets pour les heures à venir. Ce soir, je ne suis pas seule. Et pour tout vous dire, ça fait déjà quelque temps ça dure. Voilà, le scoop est lâché, c’est une exclusivité web. Certaines annoncent leur grossesse sur Facebook, d’autres font leur coming out via Twitter, moi j’écris sur mon blog que ce soir, je suis avec Bernard.

Demi scoop en réalité, parce que tous ceux qui me connaissent vraiment savent déjà qui est Bernard. Message perso : Maman, pas de panique, ne ressors pas toutes les photos de classe de l’école primaire de Gif-sur-Yvette à la recherche d’un copain de classe oublié ; oui tu me connais vraiment, et non Bernard n’est pas un ami, c’est un cafard.

Bernard et moi, on se connait depuis longtemps sans pour autant se fréquenter souvent. Chaque fois c’est pareil, il se pointe chez moi et s’installe quelque temps. C’est un cafard disais-je, le genre de bête qui nous dégoûte, que l’on redoute, que l’on guette armé d’une chaussure, jusqu’à ce que l’on réussisse à s’en débarrasser. Mais je me demande si on y arrive vraiment. C’est toujours là, jamais très loin, ou alors ça revient, et quand vous vous y attendez le moins ça déboule et vous met la tête à l’envers, le cœur en vrac. C’est triste bien sûr, mais pas tant que ça. Moi, j’ai appris à vivre avec, à apprivoiser la bête. J’ai donné un nom à mon cafard. Bernard.

Comme je vous disais, lui et moi, on a rendez-vous ce soir. Bien sûr j’appréhende, mais je viendrai chaussure au poing, comme chaque fois, pleine de courage et d’espoir. Peut-être que je finirai par l’avoir, peut-être même que ce sera pour de bon. Je me dis qu'il y aura bien une dernière fois et j'espère secrètement que les cafards n’ont pas plus de vies que les chats.

mardi 12 mai 2009

Echo de musique morte*

Ce matin, je me suis pointée au guichet de la RATP et j’ai demandé un paquet de Benson. Je ne fume plus depuis des mois et je voulais acheter des tickets de métro. Mais pour une raison que j’ignore, c’est le nom de la marque des cigarettes que j’ai achetées pendant des années que j’ai prononcé. Le guichetier n’a rien compris, m’a demandé de répéter, ce que j’ai fait jusqu’à ce que je me reprenne et que je mette ce moment d’absence sur le compte d’un réveil difficile.

Je suis finalement repartie avec mon carnet de tickets mais je me suis demandé toute la matinée s’il fallait trouver une signification quelconque à cette défaillance soudaine de mon cerveau. Et puis je me suis souvenue que c’était loin d’être la première fois que mon esprit buggait. J’ai repensé à tous ces moments d’inattention qui m’avaient valu de me retrouver à plus d’une reprise dans des situations saugrenues. Il y avait eu ce jour où, perdue dans mes pensées, j’avais pulvérisé de la laque sous mes aisselles et passé le reste de la journée à serrer mes bras contre mon corps afin d’apaiser l’irritation. Pour supporter la douleur, je m’étais raccrochée à l’idée que, par bonheur, j’avais eu la présence d’esprit de ne pas asperger mes cheveux de déodorant...

J’ai souvent mis ces égarements sur le compte de l’étourderie, voire de la maladresse. La semaine dernière, je me suis surprise à ne pas hurler de douleur en me brulant pour la énième fois avec mon fer à repasser. Et je ne compte plus les jours où je me suis cassée la figure parce que le talon de ma chaussure est venu se nicher dans l’ourlet de mon pantalon. J’ai finalement opté pour les jupes lors des rendez-vous importants, jusqu’à ce qu’un bout de l’une d’entre elles reste coincé dans ma culotte tout un après-midi durant...

Et puis je me suis fait une raison. Je suis ce que je suis, et même s’il y a des jours où j’en ai marre, profondément marre, il faut bien que je me fasse à l’idée que je n’ai pas de moi de rechange. C’est ainsi.

Il n’empêche que ce matin, ce n’était pas de la maladresse, ni de l’étourderie, c’était autre chose, comme la survivance d’une époque révolue, un anachronisme subconscient, un lapsus en somme. Et je me suis rappelé que la veille, ma langue avait déjà fourché. J’avais appelé un ami par le prénom d’un fantôme, tout droit sorti des limbes de ma mémoire. Je ne sais pas pourquoi hier, je ne sais pas pourquoi lui, mais je me suis dit que ça ne pouvait pas être autre chose qu’un « écho de cette musique morte » dont parlait Aragon, celui-là même qui fait que « lorsque les choses ne sont plus qu'un souvenir de leur frisson (...) demeure la douleur du son. »*

C’est si peu dire...



* C'est si peu dire que je t'aime, Aragon

vendredi 8 mai 2009

Les mots missiles

C'était il y a quelques semaines, ou peut-être des années.
Il a soupiré et avalé quelques mots dans un trémolo. Je lui ai demandé de répéter, ce qu’il a fait, dans un tremblement de voix encore plus confus que le précédent. J’ai fait mine de comprendre, pour éviter que ses paroles ne sombrent définitivement dans un ultime vibrato.
Le silence s’est installé quelques instants et un faisceau de lumière est venu se perdre dans l’angle de la pièce. J’ai pensé que peut-être, il y en aurait bientôt d’autres, que le jour s’immiscerait peu à peu par l’embrasure de la porte, se faufilerait entre les persiennes pour consommer un jour nouveau.
Il a bu une gorgée de bière, s’est raclé la gorge pour rouvrir les hostilités :
— Merde, je sais même pas ce que je fous là.
J’ai baissé les yeux et regardé le rayon de soleil mourir sur le parquet. Je savais que lui et moi, on n’était pas très loin du point de non-retour. Mais je me disais que peut-être, il suffisait que je ne dise rien, que je laisse ses mots se cogner contre les murs, pour que tout s’arrête.
A la seconde gorgée de bière, il a sorti l’artillerie lourde :
— La vie avec toi, c’est qu’un putain de tas d’emmerdes.
Après la troisième, les mots-missiles heurtaient les murs avec une telle férocité que toute la pièce menaçait de s’effondrer.
Les minutes ont passé, et dans un mutisme résigné, j’ai assisté à l’implosion de ce qu’on était. Dans un dernier attentat, une invective kamikaze a dispersé les restes de notre histoire mutilée sur le sol de la salle à manger.
Et puis, plus rien. Entre un cadavre de canette et les ruines du papier peint, mon silence a fini par rencontrer le sien.
J’ai sorti de mon sac un mouchoir en papier pour essuyer quelques éclats de nous et je suis partie en fermant doucement la porte.
Dehors, le jour semblait avoir décidé qu’il ne se lèverait pas.